Traduit par Francoise Robin
https://www.theatre-du-soleil.fr/fr/agenda-1970/je-suis-le-coeur-d-un-peuple-2011-1228
Un mani
1.
Récitez un Mani
Récitez dix Mani
Récitez cent, mille Mani
Dix mille, cent mille Mani en une unique prière
Les âmes disparues sont innombrables
Le flot de sang tiède est ininterrompu
Car Chacun de vos mani
Possède tendresse et compassion infinies
Possède un amour et une aspiration pures
2.
Allumez une lampe à beurre
Allumez dix lampes à beurre
Allumez cent, mille lampes à beurre
Dix mille, cent mille lampes en une unique lumière
Notre plongée dans les ténèbres est si longue
L’agression violente des tempêtes si brutale
Car Chacune de vos torches
Est la manifestation sacrée de la justice et de la paix
Est le feu ardent de la liberté et de la démocratie
3.
Serrez une main
Serrez dix mains
Cent, mille poignées de main
Dix mille, cent mille mains en un même cœur
Vagabonds des confins, notre pays perdu,
Que Tibétains et Chinois fassent un pacte d’amitié
Car Une poignée de main
Est l’amitié et l’harmonie authentiques
Est la confiance et la sincérité
4.
Ô ! Mes amis, mes frères !
Récitez un mani
Allumez une torche
Serrez une main
Ces signes de solidarités ne sont pas infimes
Ah
La plainte tremblante de chaque mani
La lumière éclatante de chaque lampe à beurre
La chaleur vive de chaque poignée de main
Ce ne sont pas des petites victoires.
1er juin 2009
Volons ensemble !
1)
Hier
Quand je suis né
La tempête a soufflé sur mon pays
Vent et pluie se sont déchaînés
Les éclairs issus de fer céleste
Ont frappé les montagnes Incendié les prairies
Ensanglanté le sol
Ce ne sont pas des catastrophes naturelles.
C’est l’invasion de l’armée rouge.
Invasion Ton long bras démoniaque
A envahi la liberté la force vitale
A tout envahi
Pendant ces années
Tel un oisillon chassé par le rapace
J’ai fui au loin avec mes plaies
J’ai été contraint à la fuite
Au nom de la liberté
Et j’ai placé mon espoir dans la terre et le ciel
2)
Aujourd’hui
Je vagabonde en maints pays
Que souffle la brise fraîche
Que tombe la douce pluie
Chaque éclat de l’arc-en-ciel
Embrasse les montagnes Orne les prairies
Pare le sol de lumière
Ce ne sont pas des beautés naturelles
Mais la liberté démocratique des étrangers
Démocratie Tes bras souples et divins
Transmettent leur chaleur
À la liberté et à la force vitale humaine
Pendant tout ce temps
Tel un chien de garde qui a trouvé son maître
J’ai approché Tibétains et Chinois
J’ai accordé ma confiance à tous les pays
Pour le bien commun
3)
Demain
Quand je mourrai
Y aura-t-il une tempête rouge sur mon pays ?
Ou bien
Un arc-en-ciel brillera-t-il ?
Qu’importe
Je pense à mon pays, je pense à mes parents
Je place mon espoir dans mon rêve le plus doux
Et je vole à jamais dans l’espace
Avec les autres colombes blanches du monde
Venez ! Volons ensemble !
10 novembre 2009
Ma voie
1
Quand j’étais gardien de troupeau
Mes parents m’ont dit :
« Derrière toi, la montagne enneigée où tu es né
Est l’une des montagnes du Tibet originel
Cette enceinte arrête la Chine noire
Cette montagne est l’âme du Tibet enneigé
C’est à cette montagne que tu adresses tes fumigations
Elles seront utiles quand tu combattras l’ennemi noir
Devant toi, la rivière qui coule où tu as grandi
Est l’une des rivières du Tibet originel
Ce fleuve irrigue tout le territoire
Il est l’eau potable du Tibet des neiges
C’est la source de l’eau lustrale
Elle dissipe les obstacles pour cette vie et la suivante »
J’ai déposé les paroles de mes chers parents dans mon cœur
J’ai placé ma confiance dans les montagnes et les rivières
Mes fumigations ont réjoui les dieux guerriers
J’ai pris refuge dans les Trois Joyaux par mes offrandes d’eau
2
Puis quand je suis allé à l’école
Le directeur, un Chinois communiste, m’a dit :
« Derrière toi, la sente d’où tu viens
Est le couloir étroit du Tibet obscur
Qui fait obstacle entre la Chine et le Tibet
Ce chemin infernal précipite le Tibet vers le bas
Ce n’est pas une route qu’il faut chérir
Voilà la vile voie de ton combat
Devant toi, ce pont où tu marches
Est le pont d’or du Parti Communiste
La voie blanche pour développer le Tibet
La grand-route pour accueillir les Chinois
La route de l’avenir que tu emprunteras
Là se trouve la voie du bonheur en cette vie.
J’ai mémorisé la parole des chefs et des autorités
Adoré la voie blanche et haï la voie noire
Lancé le lasso de ma salive sur l’étroite sente
Et couru sur la grand-route communiste
3
Puis quand j’ai finalement voyagé de par le monde
Le Seigneur et protecteur du Pays des neiges m’a dit :
« Les trente lettres qui forment tes mots
Sont les instructions issues de l’empereur du Tibet
L’écriture magique de sutra et des mantras
Les édits de l’autorité politique
Les charmes qui protègent les Tibétains
Approprie-les toi, elles t’appartiennent
Songe bien que la voie du milieu
Est l’échappatoire qui sauvera le Tibet
La grand-route pour l’entente avec les Chinois
Le suprême moyen, pacifique et non violent
L’aube annonciatrice de la paix mondiale
C’est la victoire que tu poursuis »
Les paroles du saint protecteur ont imprégné mon esprit
Dissipé les chimères de mon enfance
Mon esprit a pris de fermes résolutions
J’ai pris sans hésiter la voie du milieu non violente.
4
Quand aujourd’hui j’analyse un peu cela
Voici les paroles que je m’adresse :
« En mes chers parents j’ai placé ma confiance
Les rivières et les montagnes sont mon pays
Ce pays est hors de ma vue
Mais je n’oublie pas mes chers parents bienveillants
Le Parti communiste : méfiance
La terre de mes pères désertée : regrets
Le sort de mon peuple : pensées
La maîtrise de son destin : actes
Au Joyau qui exauce les désirs, Yishin Norbu : mes hommages
Pour les préceptes du Joyau : mon respect
La réalité concrète : ma connaissance
La vérité et la justice : ma voie »
Voilà mes pensées, voilà mes actes
Voilà mon message à tous
4 octobre 2014
Qui est notre bienfaiteur
Dans le désert, frappé de chaleur
Je voyage, la langue désséchée de soif
Qui me versera quelques gorgées d’eau fraiche et pure ?
Ma reconnaissance serait plus longue que le fleuve
Sur la plaine enneigée frappée par le blizzard
J’étends mes membres, engourdis de froid
Qui me couvrira d’une chaude couverture, ne serait-ce qu’une fois
Ma reconnaissance serait plus grande que la lumière du soleil
Sur le lit, frappé
par la vieillesse
Au malade gémissant de douleur
Qui offrira une dose de médicament pour le soulager
Ma reconnaissance serait plus grande que celle pour la divinité bienfaitrice
Dans la plaine vide, torturé de solitude
Au mendiant affamé dont la force s’épuise
Qui donnera un peu de nourriture
Ma reconnaissance en serait plus grande qu’une montagne d’or
Chassé dans un autre pays par une armée de brigands
Aux orphelins, pauvres et sans protection
Qui offrira une aide généreuse
Ma reconnaissance serait plus grande que celles pour les parents
Une aide précieuse dans les périodes difficiles
C’est celle d’excellents amis
C’est l’essence même de la divinité aimante
Je prie continuellement et avec reconnaissance pour vos bienfaits
Traduit par Clemence Henry
Je ne me brûle pas vif
Le Bouddha Amitabha vit à Tushita, dit-on.
Son fils le Panchen-Lama vit en prison.
Si tel est le sort d’un Bouddha, que peut-il faire parmi les hommes ?
Qui protège qui ?
2°
Si le Panchen-Lama, incarnation d’Amitabha, n’émane plus de rayons,
Et que nous prions dans les ténèbres,
Transformant nos corps en lampe à beurre,
Ne signons-nous pas là notre perte absurde ?
Où sont les larmes de votre compassion ?
3°
Quand je pense au Dalaï-lama Tenzin Gyatso, qui erre de par le monde,
Lui, protecteur d’une terre pieuse, lui l’émanation d’Avalokiteshvara,
Que peut-il faire avec ses mille bras et ses mille yeux ?
Ayons de la compassion pour lui, puisqu’il en a pour nous.
4°
L’un passe sa vie en errance, l’autre en prison, misérable.
Dalaï-lama et Panchen-lama,
Oubliez le bien des êtres et de la doctrine, ce grand dessein,
Oubliez le sort des Tibétains,
Et assurez votre propre survie,
Nous serons rassérénés.
5°
Je n’ai plus espoir en les dieux, je ne formule plus de prière vide
Je n’affronte pas les démons rouges, je ne me brûle pas vif
Je me fais un collier des chaînes bleu acier de la sujétion
Et j’attends de pied ferme le jugement du dieu de la mort
Endormi, je n’aime pas me réveiller.
J’ai toujours aimé dormir. Car les endroits où je ne peux pas allerpendant le jour, je peux m’y rendre dans mes rêves. Je monte au sommet des hautes montagnes enneigées de mon pays et je touche le ciel de la main. Je nage dans le grand fleuve de mon pays et je parcoure les océans avec les bancs de poissons dorés. Et puis aussi, je vais et viens en toute liberté au Potala, à Lhassa, et je faisdes souhaits devant [la statue du] Jowo Rinpoche.
C’est pour ça que j’ai envie de dormir et que je préfère ne pas me réveiller.
J’ai toujours aimé dormir. Car les personnes que je ne peux pas rencontrer pendant le jour, je peux les voir dans mes rêves. Jeraconte tous mes bonheurs et mes malheurs à mes prochesparents. Je bois du chang avec mes amis d’enfance en m’amusant. Et puis aussi, je fais des courses de chevaux et de yaks avec la bergère de la jolie prairie et je lui raconte des secrets en écoutant les siens.
C’est pour ça que j’ai envie de dormir et que je préfère ne pas me réveiller.
J’ai toujours aimé dormir. Car les choses que je ne peux pas réaliser pendant le jour, je peux les accomplir dans mes rêves.J’apporte le savoir dans les lycées, les collèges et les écoles primaires de mon pays. Je circumambule autour des montagnes, des rivières et des forêts de mon pays et je protège son environnement. Et puis aussi, les trois régions tibétaines du U-Tsang, Kham et Amdo ne faisant qu’une, je jouis en toute liberté de la paix royale à travers la voie démocratique.
J’ai envie de dormir. J’ai vraiment envie de dormir. Je vais bientôt m’allonger. Je veux rentrer chez moi. Je veux voir mes parents. Je veux protéger mon pays. Pour ça, je veux dormir. Je veux des rêves. Juste des rêves : c’est là mon espoir et mon bonheur. Pour ça, je vais dormir. Que personne ne me tire de mon sommeil. Laissez-moi dormir en paix. Je souhaite ne jamais me réveiller. Jamais. Jamais.
Traduit par Nayeli Anguerin
Tempête Rouge, Flammes Vacillantes
Soudain, de l’Est,
S’est levée une tempête rouge
Elle a emporté les fleurs des prairies
Et empli le ciel de poussière.
Désormais,
Sur la prairie, les saisons ont changé
Dans la longue saison qui n’est plus qu’un hiver,
Montagnes et rivières ont perdu leur éclat,
Chevaux, yaks et moutons ont perdu leur vigueur.
Cette tempête rouge,
A balayé la vaste prairie,
Puis a répandu partout ses ordures
Le lieu de convergence des cinq dégénérescences
N’est autre que mon pays, jadis un paradis
Mon pays est au sommet du monde,
Cette terre excellente a pour emblème les blanches montagnes
Ce palais de neiges éternelles renferme des myriades de livres sacrés
Aujourd’hui, ce ne sont plus qu’histoires anciennes
Dans cette tempête rouge,
Quelques lampes, entre vie et mort, encore
Brillent parfois de leur lueur vacillante
Auprès de ces lampes,
Une humble paire d’yeux est visible
Dans la pénombre, par intermittence…
Ces yeux, certes désireux de voir,
Semblent ne rien discerner, ou sont peut-être trop effrayés
La clairvoyance de cette paire d’yeux dépend uniquement de la flamme
La survie de cette flamme dépend seulement de l’apaisement de la tempête.
Ma prairie et la splendeur de ses quatre saisons, revivront-elles un jour ?
Mes milliers de lampes, constellations terrestres qui offrent à la nuit leur lumière,
Pourront-elles à nouveau briller ?
« Lettre d’excuse à la Nature »
[Poème offert à l’occasion de la Journée de la Terre]
1
Nature,
Délassement des biches et des daims,
Promenade des grands prédateurs,
Lieu d’envol des oiseaux,
Là où nagent les poissons,
Là où s’échinent les êtres humains...
Le lieu où tous les êtres vivent, c’est toi !
Le lieu où tous les êtres meurent, c’est encore toi !
2
L’avidité de ceux qui se tiennent sur deux jambes, les êtres humains,
A mélangé aux vents doux et purs, de toxiques vapeurs
A déversé dans les grandes eaux bleues, des produits chimiques, A pollué les cieux azurs de toutes sortes de fumées,
Et écrasé de mépris, la Terre mère, notre base essentielle.
La Nature est tombée malade.
3
Chaque fois que de peur la Terre trembla,
Des milliers de vies furent interrompues.
Lorsque de douleur les nuages blancs se tordirent,
Leurs vomissures emportèrent de larges pans de vallées.
Chaque fois que de fièvre le soleil brûla,
De vastes contrés s’embrasèrent de sécheresse.
Et lorsque le ciel, suffoquant de colère, s’emporta,
Il jeta pêle-mêle, les objets comme les êtres, dans les vents !
4
Certains ont regardé les inondations d’autres lieux comme un spectacle.
Quelques uns ne se sont pas senti concernés par les affres de la sécheresse d’autres contrées. Certains